Paul Collins & Palix « Wipe Out » 2005
Paul Collins et Palix affichent une prédilection certaine
pour la «musicalité sale», les sons impurs produits
par un orchestre de machines dévoyées, perturbées
par des systèmes parasites. La moindre scorie
échappée d’un jeu de clavier
déglingué, des débris d’instrumentaux
jetés hors de leur contexte, des grattements de sillons
tombés dans le chutier de l’inaudible, servent de
matière première à l’élaboration
d’une musique née du désir des machines de faire du
bruit… Repoussant les limites des langages dans lesquels elles
sont programmées, brisant les codes qui restreignent la gamme
des sons répertoriés, leur palette froissée
revendique une technologie disjonctée.
« Wipe Out » ne se résume pourtant pas
à ce sens de l’humour sonique, cette science du bruit,
l’art de transformer les bavures sonores en musique.
L’inépuisable catalogue où Palix et Collins se
fournissent en références, citations, humeurs, leur art
du collage en profondeur et en relief, tisse la trame d’un
cinéma pour les oreilles : un sens du temps évolutif
à la Terry Riley, des ralentis et des
accélérations dub et jungle, des sons de claviers
analogiques de dessins animés accouplés à des
instrumentaux limpides, des nuages de sons électroniques sur des
parties symphoniques de musiques de films. Avec à
l’arrivée un groove sautillant sur des ambiances
ténèbreuses ou décallées. Toute la distance
reparcourue avec jubilation entre l’électro des
années 80 et la house expérimentale.
-1 Dans «End of Summer» un hoquet mécanique cache une palpitation de samba.
-2 «Blaff revisited» collectionne les sons de claviers
dénaturés. Les pistes magnétiques multiplient les
tourneries mécaniques, boîtes à rythmes
artisanales, castagnettes et cuillères, synthés
archéologiques. Le sens de l’humour noir et du dub. Des
sons comiques de cartoons, élastiques et caoutchoutés, un
brouillard de sons nuageux.
-4 «Le retour de…» Les machines malaxent le groove
sauvage de la musicalité sale… Cœur de machine
dépourvu de toute sentimentalité. Bouts de citations de
musique classique ou de films sur un beat house où flamboie un
son de guitare venu des tripes.
-5 «Liturgic acid» le blues des bécanes
abandonnées à elles-mêmes, elles ont de vielles
remontées psyché-dub dont elles tirent les meilleurs
effets. Le désuet analogique repassé à la
moulinette numérique.
-6 «Cubism in Tavira» Un son cristallin de boîte
à musique dub-house-jungle dégénère en
orage magnétique et bourdonnement de guêpe virtuelle,
vrombissement d’hélicoptère miniature, retour
à un monde ludique, au pays des jouets.
-7 «End of Dinner» décrypte le message secret
contenu dans les bandes qui tournent à l’envers. Le sillon
de vinyl n’a jamais tout dit, sa capacité
intrinsèque à répéter et les
mélodies qui insistent.
-8 «Goat’s reggae» Autre morceau mélodique,
instrumental reggae. Parties bruitées, pas, rires, cris, coups.
Fort de «Everglade», son beau disque avec Jeff
Rian, dont les chutes inemployées doivent inonder le
studio, Palix est sans-doute celui qui apporte ces belles parties de
guitare.
-10 «Paris Tenderloin» Ambiance film noir cubiste.
-12 «Web archive» (live au Tapage Club) Nuages de sons
jungle, douceur de lamelles vibrantes, insectes virtuels.
-11 «Wipe out» est le morceau le plus remarquable du
disque par sa rigueur conceptuelle (ou son mysticisme, ou son
fétichisme) dans l’esprit de Christian Marclay,
maître incontesté du sillon. Accompagné d’une
citation de musique de film, un crépitement s’accentue
sous la poussée d’un mouvement circulaire.
L’aiguille qui creuse le vinyl produit un crépitement de
feu d’artifice. Craquements de pétards en crescendo
syncopé. Un hommage électroacoustique de platiniste au
vinyl et à la circularité euphorique de la reproduction
sonore sur disque : vitesse, volume, intensité,
poésie de bruits propre à la gravure physique des sons.
Anaïs Prosaïc
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For the last week or so, I have been playing this release
a lot. Not because I liked it that much (well of course to a certain
extend I did), but because I found it so hard to form any opinion about
this. Paul Collins is a visual and musical artist, who has played in
such bands as Your Body, 3 Bar Electrical Fire and The Lewd Reeds and
Palix is a composer, collector and 'sound hunter'. It's a bit hard also
to say what it is they are doing here, soundwise, but my best guess is
that both have their hands firmly attached to the sampler, and that the
world's history of music is their soundsource. Sometimes the sound a
bit glitchy like in a sort of Fennesz kind of way, but at other times
they sound much more conventional, jazzy, dubby, laid-back, almost in a
David Shea kind of way. Some of the tracks are really nice, like the
opening 'End Of Summer', but others seems to be dragging on, like 'Le
Retour De Fuzzy'. But every time I played this, I found something else
that was surprising to me, so I think I should give this benefit of
doubt.
Frans de Waard / Vital Weekly
http://staalplaat.com/vital/