Paul Collins & Palix « Wipe Out! »
par Anaïs Prosaïc
Paul Collins et Palix affichent une prédilection certaine pour
la «musicalité sale», les sons impurs produits par un orchestre
de machines dévoyées, perturbées par des systèmes
parasites. La moindre scorie échappée d'un jeu de clavier déglingué,
des débris d’instrumentaux jetés hors de leur contexte,
des grattements de sillons tombés dans le chutier de l’inaudible,
servent de matière première à l’élaboration
d'une musique née du désir des machines de faire du bruit. Repoussant
les limites des langages dans lesquels elles sont programmées, brisant
les codes qui restreignent la gamme des sons répertoriés, leur
palette froissée revendique une technologie disjonctée.
« Wipe Out ! » ne se résume pourtant pas à ce sens
de l'humour sonique, cette science du bruit, l'art de transformer les bavures
sonores en musique. L'inépuisable catalogue où Palix et Collins
se fournissent en références, citations, humeurs, leur art du
collage en profondeur et en relief, tisse la trame d’un cinéma
pour les oreilles : un sens du temps évolutif à la Terry Riley,
des ralentis et des accélérations dub et jungle, des sons de
claviers analogiques de dessins animés accouplés à des
instrumentaux limpides, des nuages de sons électroniques sur des parties
symphoniques de musiques de films. Avec à l'arrivée un groove
sautillant sur des ambiances ténèbreuses ou décallées.
Toute la distance reparcourue avec jubilation entre l'électro des années
80 et la house expérimentale.
1 Dans «End of Summer» un hoquet mécanique cache une palpitation
de samba.
2 «Blaff revisited» collectionne les sons de claviers dénaturés.
Les pistes magnétiques multiplient les tourneries mécaniques,
boîtes à rythmes artisanales, castagnettes et cuillères,
synthés archéologiques. Le sens de l'humour noir et du dub.
Des sons comiques de cartoons, élastiques et caoutchoutés, un
brouillard de sons nuageux.
5 «Le retour de fuzzy» : les machines malaxent le groove sauvage
de la musicalité sale. Coeur de machine dépourvu de toute sentimentalité.
Bouts de citations de musique classique ou de films sur un beat house où
flamboie un son de guitare venu des tripes.
6 «Liturgic acid» le blues des bécanes abandonnées
à elles-mêmes, elles ont de vielles remontées psyché-dub
dont elles tirent les meilleurs effets. Le désuet analogique repassé
à la moulinette numérique.
7 «Cubism in Tavira» : un son cristallin de boîte à
musique dub-house-jungle dégénère en orage magnétique
et bourdonnement de guêpe virtuelle, vrombissement d'hélicoptère
miniature, retour à un monde ludique, au pays des jouets.
8 «End of Dinner» décrypte le message secret contenu dans
les bandes qui tournent à l’envers. Le sillon de vinyl n'a jamais
tout dit, sa capacité intrinsèque à répéter
et les mélodies qui insistent.
11 «Paris Tenderloin» Ambiance film noir cubiste.
12 «Whether or not» est le morceau le plus remarquable du disque
par sa rigueur conceptuelle (ou son mysticisme, ou son fétichisme)
dans l'esprit de Christian Marclay, maître incontesté du sillon.
Accompagné d’une citation de musique de film, un crépitement
s'accentue sous la poussée d’un mouvement circulaire. L'aiguille
qui creuse le vinyl produit un crépitement de feu d'artifice. Craquements
de pétards en crescendo syncopé. Un hommage électroacoustique
de platiniste au vinyl et à la circularité euphorique de la
reproduction sonore sur disque : vitesse, volume, intensité, poésie
de bruits propre à la gravure physique des sons.
13 «Wipe out !» (live au Tapage Club) Nuages de sons jungle, douceur
de lamelles vibrantes, insectes virtuels.
:==:=::=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=:=
For the last week or so, I have been playing this release a lot. Not
because I liked it that much (well of course to a certain extend I
did), but because I found it so hard to form any opinion about this.
Paul Collins is a visual and musical artist, who has played in such
bands as Your Body, 3 Bar Electrical Fire and The Lewd Reeds and Palix
is a composer, collector and 'sound hunter'. It's a bit hard also to
say what it is they are doing here, soundwise, but my best guess is
that both have their hands firmly attached to the sampler, and that the
world's history of music is their soundsource. Sometimes the sound a
bit glitchy like in a sort of Fennesz kind of way, but at other times
they sound much more conventional, jazzy, dubby, laid-back, almost in a
David Shea kind of way. Some of the tracks are really nice, like the
opening 'End Of Summer', but others seems to be dragging on, like 'Le
Retour De Fuzzy'. But every time I played this, I found something else
that was surprising to me, so I think I should give this benefit of
doubt.
Frans de Waard / Vital Weekly
http://staalplaat.com/vital/